Du Polar et de l'Histoire : le blog de Pierre Mazet

Du Polar et de l'Histoire : le blog de Pierre Mazet

Les énigmatiques sœurs Papin.

 

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Le 2 février 1933, Mme Lancelin et sa fille sont en ville. Elles doivent rentrer vers 18h pour rejoindre M. Lancelin. Ensemble, ils iront dîner chez le beau-frère de ce dernier. M. Lancelin arrive devant sa maison : aucune lumière. Inquiet, il se rend chez son beau-frère. Ils téléphonent : aucune réponse. Accompagnés de policiers, M. Lancelin, son gendre et son beau-frère se dirigent vers la maison. Un policier entre : au premier étage, l’horreur. Mme et Mlle Lancelin sont étendues : mortes, à moitié dénudées. Leur visage : une bouillie. Les yeux : arrachés, du sang partout. Au second étage, les bonnes, Christine et Léa Papin, sont couchées dans le même lit. Immédiatement, elles reconnaissent avoir commis le double crime sans aucun remords. L'affaire a inspiré par la suite de nombreux auteurs. Bien qu'il ait toujours nié s'en être inspiré, Jean Genet a fait monter en 1947 une pièce de théâtre intitulée « Les Bonnes », qui sera adaptée au cinéma quelques années plus tard par Nikos Papatakis sous le titre « Les Abysses » (1963). Claude Chabrol a repris la trame dramatique du destin des sœurs Papin en l'adaptant pour son film « La Cérémonie » en 1995, avec Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire, un an après que Nancy Meckler (en) a réalisé au Royaume-Uni « Sister My Sister » sur le même thème, avec Joely Richardson et Jodhi May. Jean-Pierre Denis reprendra ce fait divers dans son film « Les Blessures assassines » (2000), mettant en évidence que, 67 ans après, l'affaire des sœurs Papin suscite toujours interrogations, inquiétudes, voire passions.

Le crime des sœurs Papin : l'une des affaires criminelles les plus importantes du XXe siècle ; comparable en cela aux procès Landru, Petiot ou Dominici ; en raison de sa violence comme du mystère qui recouvre ce massacre. Il s'agit bien d'un « crime sans exemple dans les annales médico-légales » ; tels sont les propos du médecin légiste chargé d'examiner les corps des victimes, qui parle de « raffinement de cruauté ». Les bonnes ont, notamment, extirpé les yeux de leurs patronnes de leurs orbites et réduit le crâne de leurs victimes en bouillie.

 

Les prémices de l’affaire.

 

En avril 1926, Madame Lancelin, épouse de René Lancelin, ancien avoué honoraire et administrateur d'une Mutuelle du Mans, décide de renouveler son personnel domestique dans sa maison bourgeoise au 6 rue Bruyère du Mans. Elle engage une cuisinière, Christine Papin et une femme de chambre, sa sœur Léa. Les règles dans cette maison sont strictes, notamment ne s'adresser à personne d'autre que les patrons (les époux Lancelin et leur fille Geneviève, 21 ans), mais elles sont bien payées (salaire mensuel de 300 francs), sont nourries, logées et blanchies si bien qu’en sept ans de service, elles ont économisé 22 200 francs sur leur salaire. 

Le soir du crime, Léa a laissé tomber pour la deuxième fois des objets (des petits pains) à un endroit différent de la place qui leur était habituellement réservée. La première fois, cinq ans plus tôt selon Léa, cette dernière avait laissé par inattention sur le tapis un morceau de papier tombé de la corbeille.

Madame l’avait alors appelée pour la punir en la prenant par l’épaule et en la pinçant fortement, la mettant à genoux en lui ordonnant de ramasser. Étonnée de ce geste de mauvaise humeur inhabituel chez sa patronne, Léa l’avait relaté le soir même à sa sœur en ajoutant : « Qu’elle ne recommence pas ou je me défendrai. »

 

Le crime.

 

La veille, le fer à repasser électrique s'était détraqué, comme cela s'était déjà passé une autre fois. Il fallait donc rattraper le temps perdu, mais à nouveau ce jour-là le fer cessa de fonctionner, plongeant la maison dans le noir. Les deux sœurs attendirent donc le retour de leurs patronnes, parties rendre visite à la fille aînée des Lancelin. Selon la reconstitution ultérieure, le crime se serait déroulé en deux temps : au retour de leurs patronnes vers 17 h 30, Christine a tout d’abord informé « Madame » du dysfonctionnement du fer pour expliquer le noir dans la maison, ce qui a entraîné une dispute entre « Madame » et l'aînée des sœurs. La dispute se transforme rapidement en une bagarre entre Christine, « Madame » et « Mademoiselle », qui sont tabassées principalement par Christine, folle de rage. La scène tourne très vite au massacre : Christine, qui aurait ordonné à sa sœur d’arracher un œil à Mme Lancelin, arrache ensuite un œil de la fille et le jette dans l’escalier. Léa va chercher un couteau et un marteau. C'est avec ces deux armes et un pot en étain que les sœurs tailladent et martèlent les deux victimes, s'acharnant sur elles jusqu'à ce qu'elles meurent. Le docteur Chartier, médecin légiste, parle dans son rapport de « bouillie sanglante ». Comme en témoignent les dépositions des témoins notamment le beau-frère de monsieur Lancelin, présent lors de la découverte des corps et les photographies prises sur place, les visages des victimes furent frappés au point de devenir méconnaissables, que leurs sous-vêtements furent déchirés, leur sexe mis à nu, les fesses de la fille atrocement tailladées. On estime que le massacre dura une vingtaine de minutes. Puis les deux sœurs se lavent, se mettent ensemble dans le  lit de Christine, projetant de dire qu’elles s’étaient défendues d’une attaque de leurs patronnes.

 

Qui sont les sœurs Papin ?

 

Les sœurs Papin sont nées de l’union de Clémence Derré, épouse infidèle et peu maternelle, et de son mari Gustave Papin, cultivateur, homme faible et buveur. Le couple s'est marié en octobre 1901 à Saint-Mars-d'Outillé (Sarthe), où Clémence donne naissance en février 1902, quatre mois après son mariage, à Emilia, fille aînée du couple. Puis elle donne naissance à Christine le 8 mars 1905 à Marigné-Laillé et à Léa le 15 septembre 1912 au Mans. Clémence quitte son mari après la découverte du viol d’Emilia par son père lorsque celle-ci est âgée de 10 ans. Le divorce est prononcé en 1913 sans que l’inceste soit dénoncé et Emilia part en maison de correction, placée par sa mère. Emilia, qui rentre dans les ordres à seize ans, est alors traitée comme la fautive, probablement aussi parce qu’il existe un doute sur la paternité biologique de Gustave.

 

Ni Christine, ni Léa ne sont élevées par leur mère, qui les place et déplace à son gré tout au long de leur enfance et de leur adolescence, jusqu’à leur entrée chez les Lancelin. Quand elles ne sont pas placées dans des institutions religieuses, chacune de ces deux sœurs vit comme bonne avec une femme seule, avant de se retrouver ensemble. Christine et Léa changent assez souvent de maisons sur ordre de leur mère, qui considère toujours leurs gages insuffisants. Clémence place Christine chez les Lancelin à 22 ans, celle-ci ayant obtenu deux mois plus tard que sa sœur soit engagée pour l’assister. Les règles en vigueur dans la maison sont posées dès l’embauche : les domestiques n’ont de rapport qu’avec Madame Lancelin qui ne donne d’ordre (souvent par simples billets) qu’à Christine qui transmet à Léa. Les deux sœurs sont dépeintes comme des servantes modèles par leurs anciens employeurs ainsi que par Monsieur Lancelin, les voisins et amis, qui notent cependant presque tous une intolérance teintée de bizarrerie de la part de Christine vis-à-vis des observations que peuvent lui faire ses employeurs.

 

Un régal pour la presse.

 

C’est le début d’un prodigieux emballement médiatique. Dès le lendemain, les journalistes se bousculent au Mans, une ville qui n’avait pas enregistré d’homicide volontaire depuis plus de deux ans. Paris-Soir, Le Petit Journal, Le Matin, Le Journal et d'autres périodiques s'intéressent au « drame de la rue Bruyère ». Journaux populaires à fort tirage, ils envoient sur place reporters et photographes. L'Humanité et Détective prennent la défense des jeunes servantes : « Les meurtrières du Mans sont des victimes de l'exploitation », peut-on lire dans L'Humanité ; Paris-Soir prend celle de madame Lancelin. Le chroniqueur de Vu écrit quant à lui : « On voudrait comprendre ; on ne peut. C'est le caractère vraiment hallucinant de cette affaire que l'horreur de ce double crime - l'un des plus atroces qui aient jamais été commis - soit encore dépassée par le mystère qui l'enveloppe. » Bien qu’à première vue éloignées, ces deux réactions procédaient finalement de la même logique : à savoir le déni de la subjectivité des sœurs Papin et de la singularité de leur crime. Pour ne pas avoir à aborder la question de « l’humanité » de ces criminelles, les deux camps comparaient ces sœurs à des animaux : victimes (étymologiquement des bêtes offertes aux dieu), « bestiales » pour les premiers, pour les seconds. Bernard Lauzac, vieux routier des affaires criminelles pour Police Magazine, écrit : « Je ne sais de quelle manière commencer la narration d'un tel crime. La férocité y a atteint un degré jusque-là inconnu et il est infiniment difficile de réaliser que des êtres humains aient pu tuer avec une telle atroce sauvagerie. » Les journalistes de la presse locale ravitaillent le public en informations presque instantanées : l'essentiel des interrogatoires, des auditions, des expertises sont en bonne place dans les colonnes des deux grands journaux de la Sarthe : L'Ouest-Éclair et le Journal de la Sarthe. 

 

Une instruction peu instructive…

 

L'instruction ne permet pas de progresser grandement. Les deux sœurs ne sont pas capables d'introspection et ne font que répéter qu'elles n'avaient absolument rien à reprocher à leurs patronnes, possédant suffisamment d'économies pour chercher un autre travail, si elles avaient voulu les quitter. Elles étaient bien nourries, bien logées et bien traitées. En 6 ans, elles n'avaient d'ailleurs demandé aucune autorisation de sortie. Lors du temps libre dont elles disposaient, les deux sœurs se retiraient dans leur chambre, et ne sortaient que pour se rendre à la messe, coquettes et élégantes le dimanche matin. Elles ne liaient jamais connaissance avec un garçon ou avec les domestiques des maisons voisines, ni avec les commerçants du quartier qui les trouvaient bizarres. Une affection exclusive liait Christine et Léa qui s'étaient jurées qu'aucun homme ne les séparerait jamais. Cette affection va éclater au grand jour dans la prison des femmes. Dès son incarcération, Christine sombre dans le délire. Elle veut s'arracher les yeux, réclame sa sœur en hurlant, au point que la gardienne chef accepte de les réunir. Aussitôt, dans un état d'exaltation croissante, de folle passion, Christine entreprend de dévêtir Léa tout en la suppliant : « Dis-moi oui, dis-moi oui. » Les gardiennes doivent protéger Léa des assauts de son aînée. Interrogées à plusieurs reprises par le juge d'instruction et les experts, les soeurs confirment toutes deux leur participation conjointe au crime. Il apparaît qu'elles n'ont pas prémédité le massacre des femmes Lancelin, mais qu'elles partagent la même responsabilité et méritent le même châtiment. Cependant le crime demeure une énigme. Pourquoi deux frêles jeunes filles ont-elles pu commettre un crime sadique, s'acharner à ce point sur le corps de leurs victimes, et sans manifester aucun regret après coup ? Quel instinct meurtrier les a si sauvagement animées ?

 

Les experts se divisent sur la question de savoir si les filles Papin ont été victimes d'une crise de folie hystérique ou de folie épileptique. La catégorie scientifique de l'hystérie a pratiquement été abandonnée à la veille de la Première Guerre mondiale. Quant à la thèse de la crise épileptique, les trois spécialistes commis pendant l'instruction et appelés à témoigner pendant le procès, les docteurs Schützenberger, directeur de l'asile du Mans, le docteur Baruk, médecin-directeur de l'asile de Saintes-Gemmes-sur-Loire et le docteur Truelle, médecin-chef de l'asile clinique Sainte-Anne, s'y refusent absolument. Ils n'ont trouvé, écrivent-ils, aucune particularité physique ou psychique de la « mentalité   épileptique » . Pas non plus d'hallucinations ou d'idées délirantes chez les sœurs ; aussi en conclut-on qu'elles sont saines d'esprit.

 

Un procès bâclé. 

 

Lors du procès, l'analyse du crime est malheureusement pauvre. Les jurés souscrivent au point de vue des experts Schützenberger, Truelle, et Baruk considérant le crime comme une crise de colère dégénérée en fureur par deux sœurs parfaitement saines d'esprit. Les experts ne tinrent pas compte des antécédents familiaux des deux sœurs (père alcoolique, violences conjugales, inceste sur la sœur aînée, un cousin aliéné, un oncle pendu) ni de la vie singulière qu'elles menaient. L'acharnement sadique sur les corps des victimes ne tenait pas comme argument de folie pour les experts, du fait que les criminelles avaient fait preuve de sang-froid en nettoyant leurs ustensiles et en se couchant après l'acte. La ressemblance avec la préparation d'un plat cuisiné n'a pas été relevée, ce qui va pourtant bien avec un acte insensé. Les multiples crises de Christine à la prison, et les déclarations des codétenues et des gardiennes à ce propos ont été tenus pour négligeables car Christine avouait avoir «  joué la comédie », ce terme ayant dans la région du Mans un sens différent du sens commun, puisqu'il signifie « faire une scène ».

 

A l'époque pourtant, un psychiatre, le docteur Logre, déplore qu'on n'ait « pas assez recherché la nature des liens unissant les deux sœurs ni attaché suffisamment d'importance aux blessures très caractéristiques des victimes, qui paraissent indiquer des préoccupations sexuelles délirantes ». Rival du docteur Truelle, l'expert chargé de l'affaire, il ne sera pas écouté. Effectivement, quand l'avocate de Christine, maître Brière, lui demande pourquoi elle a déshabillé Geneviève Lancelin, question essentielle négligée par l'ensemble des experts la jeune femme répond par une aberration : « Elle prétendait chercher quelque chose qu'elle aurait voulu avoir et dont la possession l'aurait rendue plus forte », car elle voudrait « changer de corps ». Mieux : Christine croit se souvenir que « dans une vie antérieure, elle a été le « mari de sa sœur ». Les psychanalystes qui, par la suite, ont étudié le cas, voient dans cet aveu un symptôme du transsexualisme psychique presque toujours présent dans les psychoses paranoïaques les plus graves. De plus, le jour du drame, la fille Lancelin avait ses règles. Or, leur crime accompli, Christine et Léa ont barbouillé de ce sang menstruel le sexe de la mère. Pour les psychanalystes, ce geste hautement symbolique donne son véritable sens à la tragédie : à travers leur acte fou, les sœurs ont inconsciemment voulu saisir « le mystère du sexe, de la jouissance et de la vie ».

Le verdict, que Christine a reçu agenouillée, a condamné cette dernière à mort et Léa à 10 ans de travaux forcés. L'aînée a ensuite été graciée, et sa peine commuée aux travaux forcés à perpétuité. Christine a été transférée à la prison centrale de Rennes où elle a sombré dans un état dépressif avec refus systématique de toute alimentation. Elle a été ensuite hospitalisée à l'asile public d'aliénés de Rennes où elle est morte en 1937, de cachexie vésanique[1] à l'âge de 32 ans. Léa quant à elle, décèdera à Nantes en 2001 l'âge de 89 ans

 

Une affaire toujours en débat.

 

Malgré la multitude d’études psychiatriques ou psychanalytiques du cas des deux sœurs, il est bien difficile de connaitre les motivations et le mécanisme psychique à l’œuvre lorsqu’elles s’en sont prises à leurs patronnes. Dans un ouvrage paru en 2016, Isabelle Bedouet (Le crime des soeurs Papin) tente d’éclairer l’affaire d’un jour nouveau. En s'appuyant sur des faits occultés, sur des archives inédites révélant, en particulier, la collusion des experts psychiatres, des magistrats et des notables lors du procès, en relevant certaines lacunes significatives de l'enquête, cet ouvrage nous dévoile ce qui se joue derrière ce double assassinat. Il indique, en outre, comment un autre meurtre, survenu quelques mois auparavant dans le même département, la Sarthe, mais passé inaperçu, a inspiré, de façon évidente, le passage à l'acte des deux jeunes femmes dans ses modalités les plus atroces.

Au travers d'un examen impartial de l'affaire, Isabelle Bedouet reconsidère nombre d'idées reçues, notamment celle de la rébellion de domestiques trop longtemps exploitées. À la lumière de la psychanalyse, elle éclaire ainsi sous un jour nouveau les personnalités des tristement célèbres « bonnes » du Mans.

 

Documentation utilisée 

 

http://excerpts.numilog.com/books/9782849528730.pdf

https://www.grands-avocats.com/dossiers/soeurs-papin-double-assassinat-mans/

https://shs.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-1982-2-page-95?lang=fr

https://www.lhistoire.fr/le-crime-des-«-bonnes-»



[1]La cachexie est un affaiblissement profond de l’organisme (perte de poids, fatigue, atrophie musculaire, etc.) lié à une dénutrition très importante. La cachexie n'est pas une maladie en elle-même, mais le symptôme d'une autre..


12/11/2024
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Saint-Étienne ville présidentielle

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Saint-Etienne n’est pas Paris. Elle n’a pas eu l’honneur, ou le désagrément, d’accueillir les chefs d’État étrangers . Pourtant dans le passé, quelques Présidents n’ont pas boudé leur plaisir en rendant visite à la capitale ligérienne. Deux de ces escapades ont particulièrement marqué la ville : Félix Faure est venu les 29 et 30 mai 1898 et Albert Lebrun fit une courte visite en octobre 1933. Saint-Etienne n’avait eu que peu souvent la visite de chefs d’Etat : Charles VII en 1441, Henri IV en 1595 et Louis Napoléon Bonaparte en 1852. A l’annonce de la visite de Félix Faure, la ville se prépare à mettre les petits plats dans les grands. Pas moins de sept mois de préparation furent nécessaires. Saint-Etienne souffre de son image noire et rouge qui ne correspond pas à la grande ville qu’elle est devenue. Aussi va-t-elle déployer tous ses fastes pour être à la hauteur de l’événement et se montrer sous son meilleur jour à l’illustre visiteur et à son entourage. D’ailleurs le maire, Louis Chavanon, résume bien les objectifs de la ville :

 

« Il faut que le chef d’Etat emporte de son séjour parmi nous un souvenir inoubliable, et que Saint-Etienne, la ville si longtemps méconnue montre qu’elle ne mérite pas la réputation qui lui est faite, et que ses habitants pratiquent l’hospitalité aussi bien que partout ailleurs. » 

 

  L’arrivée du chef de l’Etat à la gare de Châteaucreux est annoncée par une salve de 21 coups de canon. A huit heures du matin, dans les rues de Saint-Etienne, de longues files d’hommes, de femmes et d’enfants se dirigent vers la gare. Sur le trajet que va suivre le président, les trottoirs se garnissent de monde à une vitesse considérable. Sous un arc de triomphe érigé par la rubanerie, place de l’Hôtel-de-Ville, le président reçoit un bouquet de fleurs de la main de plieuses, provoquant ainsi la colère des ourdisseuses se sentant délaissées. La première journée est consacrée aux visites institutionnelles. Après un déjeuner à la préfecture, l’après-midi débute par l’inauguration du monument des combattants de 1870, implanté place Jovin-Bouchard, face au Palais des arts (actuel musée d'Art et d'Industrie). Un grand lâcher de pigeons voyageurs met la touche finale à ce moment patriotique. Ensuite, le Président se rend au musée, située à quelques pas. Il visite la section des armes et des rubans, où on tisse, devant lui son portrait.  La deuxième partie de l’après-midi est consacrée à la visite des hôpitaux. Il inaugure l’hôpital de Bellevue, conçu par Lamaizière, mais à peine terminé.  La matinée se termine par un repas à l’Hôtel de Ville, auquel participent 320 convives et dont je vous laisse apprécier le menu :

 

Petites bouchées parisiennes

Turbot sauce riche

Cuissot de renne grand veneur

Quenelles truffées, sauce financière

Jambon d’York maillon

Spums au kirsch

Morilles chantilly

Chapons truffé à la broche

Mousse de foie-gras à la gelée

Langouste tartare

Parfaits pralinés

Dessert

Vins : Haut Sauterne, Saint Emilion, Pomard, Louis Roederer

 

 La journée du 30 mai est essentiellement tournée vers le commerce et l’industrie. Avec des visites bien rythmées d’une trentaine de minutes, il enchaine les rubans et velours Giron, l’école des Mines, l’école professionnelle, la Manufacture nationale d’armes et les Aciéries de Saint-Etienne (usine Barroin). A chaque étape, le même scénario se reproduit : discours d’accueil du directeur, présentation de quelques ouvriers ou élèves méritants suivie de l’inévitable remise de médailles. L’après-midi, il visite encore un atelier de passementerie et après une dernière représentation théâtrale reprend le train vers 23 heures.  Tout le monde se plait à saluer le bon déroulement de la visite et son caractère bon enfant. Il faut dire que Félix Faure est un habile communicant. Il sait parfaitement soigner son image et sa popularité et les Stéphanois, bon public, ne lui ménagent pas leur admiration. Les industriels n’ont pas manqué de souligner, à chaque étape, les difficultés de leurs activités en raison de la concurrence étrangère (notamment pour la rubanerie). Ils ont reçu des réponses courtoises, mais suffisamment évasives pour satisfaire tout le monde. Sur le plan économique, le bilan est donc mince. Les espoirs de retombées sont bien résumés par Adrien de Montgolfier :

«  De retour à Paris, vous direz, en pensant à nous : Saint-Etienne mérite toute notre sollicitude » Espoir modeste, mais c’était sans doute le plus important pour la ville et ses habitants : être enfin reconnus à leur juste valeur.

 

Pour en savoir plus :

 

http://www.gillescharles.fr/2017/05/05/qui-se-souvient-de-larc-de-triomphe-stephanois/

 

http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2007/hayot_c/pdf/hayot_c.pdf

 

Voir quelques images :

 

https://catalogue-lumiere.com/series/voyage-du-president-felix-faure-a-saint-etienne/


07/11/2024
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Quand la Russie colonisait l’Amérique.

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Le 6 juillet 1922, le président de la chambre basse du Parlement russe a menacé de reprendre l'État de l'Alaska si les États-Unis saisissaient ou gelaient leurs avoirs à l'étranger. Cela fait plusieurs années que le sujet d'une Alaska russe est abordé dans les médias, ces territoires faisaient autrefois partie de l'Empire russe. Ces provocations, brandies pour « réveiller le patriotisme [...] et exciter les velléités nationalistes » de la population russe selon Carole Grimaud Potter, professeure de géopolitique russe ont eu l'effet escompté. Aussitôt, une campagne intitulée "l'Alaska est à nous" a été conçue sur les réseaux sociaux. Des panneaux publicitaires floqués du même slogan ont même été installés dans la ville sibérienne Krasnoïarsk. La Russie est coutumière du fait. Elle fait part de son souhait  de voir le drapeau russe flotter au-dessus du plus grand État américain. Depuis une dizaine d'années, le sujet est régulièrement abordé dans les médias russes. Cela fait plus de deux ans que Vladimir Poutine mène en Ukraine une guerre qui devait restaurer en partie les frontières de l’empire russe. Mais il est une frontière de ce même empire dont on parle rarement. Une frontière située sur un autre continent, en Amérique du nord, et qui s’étendait de l’Alaska aux environs de San Francisco. Si ces prétentions relèvent de l’incantation, elles ne naissent pas d’un pur fantasme propagandiste. Elles s’appuient bien sur des faits historiques reconnus et étudiés : à savoir que la Russie a tenté, au cours des XVIIIème et XIXème siècle de s’implanter en Alaska mais également tout au long de la côte pacifique d’Amérique du Nord.

 

Béring, le précurseur. 

 

En 1725, Pierre le Grand charge Béring d'une mission présentant un enjeu de puissance capital pour la Russie : voir s'il est possible d'atteindre le continent américain par son versant occidental. À l’origine de cette colonisation, il y a l’expansionnisme des tsars successifs et un attrait pour les fourrures du Pacifique, en particulier celle des loutres de mer. La disparition de ces dernières et le coût du maintien de possessions si lointaines finissent par mettre fin à l’établissement russe en Amérique, suspendant une histoire à même d’inspirer de nombreuses uchronies. Les acteurs en sont principalement les trappeurs, qui vont chercher des fourrures toujours plus loin, poussés par l'extinction des proies (en premier lieu la zibeline) dans leurs zones de chasse habituelles. L'État n'est donc pas à l'origine de ce mouvement, il se contente d'être présent à titre de percepteur à partir de la fin du XVIe siècle, en réclamant un impôt sur les fourrures. Cette conquête a lieu à un rythme lent, par voie fluviale puis navale plutôt que terrestre : les trappeurs se réunissent en commandos et descendent les fleuves puis empruntent leurs affluents sur des radeaux, s'enfonçant davantage encore en Sibérie. A l'origine de l'expédition de Béring, il y a une visite de Pierre le Grand à Paris en 1717. Les géographes français lui demandent s'il y a un passage pour gagner l'Amérique par le nord. En effet, les cartes de l'époque sont très fantaisistes. Certains imaginent que les deux continents sont reliés, d'autres qu'un détroit les sépare. Pierre le Grand comprend que, s'il ne monte pas une expédition pour le vérifier, ce seront d'autres nations qui prendront l'avantage. Ses préoccupations sont donc à la fois géopolitiques, économiques et intellectuelles. En 1725 il nomme Vitus Béring, un capitaine danois recruté par la Russie, à la tête de cette entreprise. Pierre le Grand meurt quelques semaines plus tard, mais sa veuve Catherine Ier donne son accord pour poursuivre l'expédition. L’expédition, à laquelle participent 25 hommes, part en 1725 et parcourt 6 000 km pour atteindre Okhotsk, sur la côte Pacifique, au bout de deux ans. De là, ses membres passent en bateau sur la péninsule du Kamtchatka puis, en 1728, ils prennent la direction du nord. À bord du Saint-Gabriel, Béring atteint l’île Saint-Laurent, au large de l’Alaska, et traverse même le détroit qui porte son nom, mais le brouillard empêche les expéditionnaires de voir la terre du côté américain. Béring en conclut que l’Asie et l’Amérique ne sont pas reliées, étant donné qu’à ce moment, d’après ses estimations, « la terre ne s’étend pas vers le nord, et on ne peut voir aucun territoire au-delà du Tchoukot, ou de l’est ». Lorsque Béring revient à Saint-Pétersbourg, en 1730, il s'attend à être reçu avec les honneurs, mais, entre-temps, c'est une autre impératrice, Anne Ier, qui a pris le pouvoir. Autant dire que l'expédition n'est plus à l'ordre du jour !

Déçu, Béring n'a alors de cesse de vouloir repartir, bien décidé cette fois à mettre le pied en Amérique. Béring va alors proposer deux projets d'actions vers la Sibérie. Le premier est un plan de colonisation dont les objectifs principaux seraient la christianisation des Yakoutes[1] et la remise en ordre de l'administration chargée de lever le yassak, l'impôt tsariste.

La deuxième proposition est plus ambitieuse encore et c'est celle-ci qui l'intéresse. Il souhaite lancer une grande offensive exploratoire vers les limites nord et est de l'empire. Les grandes lignes de la Grande Expédition Nordique, comme elle sera appelée plus tard, consistent à cartographier les côtes de l'Alaska, le nord du Japon, les îles Kuriles et la côte arctique de la Sibérie entre l'embouchure de l'Ob et celle de la Lena.

La tsarine répond positivement à ses projets et charge Béring de mettre sur pied les différentes phases de l'exploration de la Sibérie. Contrairement à la première, elle a une importante dimension scientifique. Plusieurs jeunes savants de haut rang accompagnent Béring, notamment les Allemands Gerhard Friedrich Müller et Johann Georg Gmelin. Un autre Allemand, Georg Wilhelm Steller, se joint à l'expédition en qualité de médecin personnel de Béring. C'est un véritable fou de sciences, exalté, au caractère parfois difficile, mais remarquable scientifique : il multiplie les études exhaustives sur toutes les nouvelles espèces animales ou végétales qu'il croise sur son chemin tout en échafaudant d'audacieuses hypothèses - qui souvent se révéleront extrêmement pertinentes. Sa productivité semble ne pas avoir de limite. Deux navires sont construits dans la baie de Petropavlosk : le Saint Paul, qui sera commandé par la capitaine Tshirikov et le Saint Pierre par Béring. Les deux navires quittent le Kamtchatka début juin. Ils se dirigent vers des terres indiquées sur les cartes sous les noms de Gamaland et Compagniland. Ils n'en trouveront jamais trace. Les deux bâtiments se trouvent rapidement séparés lors d'une tempête, ils ne se retrouveront jamais.

 

Le 16 juillet 1741, le jour de la St Elias, le St Pierre entre dans une baie abritée : au loin des sommets enneigés dont l'actuel mont St Elias qui culmine à plus de 6000 mètres, baptisé à l'occasion et des forêts à perte de vue. Béring vient d'aborder en Alaska. Il ne donnera que quelques heures à Steller pour décrire l'Amérique du Nord. Le naturaliste récolte des plantes, décrit les paysages, découvre un campement autochtone. Après 6 heures passées à terre, l'ordre de retour est donné : 8 ans de voyage épuisant pour 6 heures d'exploration terrestre.

Le retour sera une navigation difficile dans le brouillard et les tempêtes des îles Aléoutiennes. Une rencontre avec des Aléoutes sera l'un des moments forts de ce périple. Steller décrit les embarcations, les vêtements, le comportement de ces hommes inconnus.

À bout de force, Béring ne met plus les pieds sur le pont. Le reste de l'équipage endur les douleurs liées au scorbut à l'exception de Steller qui se nourrit de plantes antiscorbutiques récoltées en Alaska.

L'équipage décimé, à bout de force, sans vivre et sans eau jette l'ancre dans une baie le 7 novembre. Les marins pensent avoir échoués sur une plage du Kamtchatka, ils viennent en faits d'atterrir sur une île inconnue, la future île Béring. Deux jours plus tard, un premier débarquement de malades a lieu. Deux semaines passent et une tempête effroyable jette définitivement le St Pierre à la côte. Le 8 décembre 1741, Ivan Béring meurt d'épuisement.

Les survivants pourront rejoindre le Kamtchatka durant l'été 1742 après un hiver à se nourrir d'otaries, loutres, renards polaires et lagopèdes. Ils ont pu reconstruire un bateau avec les restes du St Pierre. À leur retour, les informations recueillies, la cartographie et les peaux de loutres de mer, la plus belle et la plus chère fourrure au monde, donnent l'impulsion pour l'établissement des Russes en Alaska.

 

Les suites de l’expédition Béring. 

 

Après plusieurs années d'expéditions « sauvages » vers le nord-est, les marchands russes vont se coaliser pour défendre leurs intérêts. L'un d'entre eux, Grigori Chelikhov, particulièrement entreprenant, demande à l'État de fonder une compagnie nationale et d'en financer les activités dans le Pacifique Nord, afin d'y mettre en place un monopole russe. Mais la tsarine Catherine II, gagnée aux idées libérales, est par principe opposée à l'idée de monopole et Chelikhov meurt avant de voir la concrétisation de ce projet. Il sera repris par sa jeune veuve Natalia, une femme d'une énergie rare, qui, aidée de son second Nikolaï Rezanov, entame une intense activité de lobbying auprès de la Cour.

La Compagnie russo-américaine (RAK) est finalement créée en 1799 par Paul Ier, le fils de Catherine II qui lui concède un privilège de vingt ans. Le tsar et des grandes familles y prennent des actions, et la RAK devient une puissante compagnie, qui développe de nombreux comptoirs sur les rives du Pacifique. Puis, rapidement, les progrès de la colonisation marquèrent le pas, en raison des rigueurs du climat, de la longueur des communications avec la métropole et de la difficulté d’entrer en contact avec les populations locales, surtout les Tlingits, particulièrement réticents à l’égard des Russes. Il est vrai que le manque de prêtres orthodoxes retarda leur christianisation, au moment où apparaissaient les premières difficultés économiques, liées à la raréfaction des animaux à peaux, castors, ours, phoques, renards polaires..., victimes d’une chasse trop intensive. La compagnie tenta une diversion en direction du sud, en implantant, en 1812, un poste sur la côte de ce qu’on appelait la Nouvelle-Albion, nom donné à la partie septentrionale de la Californie alors espagnole. La raison officielle de la création de Fort Ross était la nécessité de procurer aux colons de l’Alaska de la nourriture fraîche en viande et légumes. Des terrains cédés sans difficultés par les Indiens permirent en effet l’établissement de cultures et l’élevage du bétail. Mais ni le gouvernement espagnol ni les missions franciscaines n’avaient été consultés sur cette prise de possession. En fait, la chasse au phoque et la pêche se révélèrent plus profitables que la culture ou l’élevage, si bien que l’enclave de Fort Ross ne remplit jamais son rôle de centre nourricier, tout en demeurant une épine dans une terre réclamée par le Mexique qui s’était substitué à l’Espagne. Ayant perdu tout intérêt dans cette entreprise, talonnée par le gouvernement mexicain, la Compagnie finit par vendre Fort Ross, en 1835, à John Sutter, cet immigré suisse, devenu citoyen mexicain, qui avait reçu de larges concessions de terres au confluent du Sacramento et de l’American River, où il fonda New Helvetia. C’est là que furent découvertes treize ans plus tard les pépites d’or qui provoquèrent la ruée vers la Californie. 

 

L’Alaska devient « américaine ».

 

La glace constituait le principal article d’exportation de l’Alaska dans les années cinquante : 20 500 tonnes de 1852 à 1860, représentant une valeur globale de 122 000 dollars. Cette nouvelle orientation contraignit la Russian American Company à construire à Sitke et à Kodiak des installations de stockage. En comparaison, les exportations d’autres marchandises représentaient peu de choses. L’économie de l’Alaska, fondée sur une mono-production, était devenue entièrement dépendante de la Californie. En 1856 la Russie sort vaincue de la guerre de Crimée. Elle n'a pas les moyens de se maintenir dans les deux territoires. Depuis quelques années, les Russes se sont pourtant rendu compte qu'il y avait de l'or en Alaska, mais cette découverte amène son lot d'ennuis en perspective : des orpailleurs venus du Canada s'introduisent illégalement dans l'Amérique russe et arment les Indiens. Les Russes sont conscients du fait qu'ils ne pourront pas défendre une terre si éloignée ; ils préfèrent prendre les devants et la vendre avant qu'on ne la leur prenne.

Les négociations russo-américaines furent amorcées en 1866 et elles aboutirent l’année suivante. Ratifié par le Sénat le 10 avril 1867, le traité de cession fixait le prix à 7,2 millions de dollars, soit l’équivalent de trois saisons de chasse. La presse américaine soutint majoritairement ce traité dont la négociation provoqua par ailleurs des tensions avec le Congrès, tenu à l’écart de cette affaire. Les élus américains manifestèrent leur mauvaise humeur en tardant à voter les fonds, et ce jusqu’à l’entrée en possession de l’Alaska (18 octobre 1867). Depuis l’achat de l’Alaska, longtemps territoire fédéral avant d’accéder au statut d’État fédéré (1959), les États-Unis disposent d’un poste avancé face au Nord-Est asiatique et d’une façade sur l’Arctique. Mais en 1867, le Pacifique Nord ne constituait pas un « lac américain », moins encore l’océan Pacifique (le « Grand Océan »), pris dans son ensemble. Déjà amorcée, l’expansion américaine dans le Pacifique s’accéléra à la fin du XIXe siècle, au moment de la guerre hispano-américaine de 1898 (voir notamment le rattachement de l’archipel d’Hawaï).

Quant à l’Alaska, il devint donc un État militaire de première importance, face à l’URSS, le détroit de Bering constituant une ligne de partage Est-Ouest dans le contexte de la Guerre froide (la « guerre de Cinquante Ans »).

 

Que reste-t-il de l’Amérique russe ?

 

L’ancienne capitale Novoarkhangelsk, devenue Sitka, est désormais une ville de 9 000 habitants, au bord d’un golfe pittoresque, entourée de forêts de cèdres et de pins. L’endroit préféré des touristes, c’est le lac des Cygnes, tout proche. Afin d’attirer du monde grâce au « véritable esprit russe » des lieux, les pouvoirs publics ont consacré plus de 2 millions de dollars à restaurer la maison de l’évêque russe, construite en 1842. Ce bâtiment historique est entouré de maisons contemporaines appartenant à de nouveaux riches américains. Sur les portails, on peut lire des annonces semblables à celles qui s’affichent autour de Moscou : « Datcha à louer », avec le mot « datcha » écrit soit en caractères russes, soit en lettres latines. Dans l’église, on chante en russe, en anglais, en tlingit et en inuit. Tous les fidèles sont des « Créoles »,descendant d’hommes arrivés en Alaska au temps du premier gouverneur de cette Amérique russe, Alexandre Baranov. A cette époque, beaucoup de chasseurs et de chercheurs d’or russes prenaient pour femmes des Inuits et des Aléoutes. Il fut un temps où les aventuriers russes qui vivaient ici chassaient la loutre et le ragondin, coulaient des canons, lavaient de l’or et construisaient des navires destinés à conquérir les océans. Aujourd’hui, l’Amérique russe est devenue une marchandise, et, quoi que l’on prétende au sujet de l’intérêt faiblissant du Yankee moyen envers la Russie, cette marchandise se vend très bien. Les croisiéristes en sont particulièrement friands. Il y a trente-cinq ans, plusieurs femmes décidèrent sur un coup de tête de créer, à Sitka, une compagnie de danse russe. Depuis, les Danseuses de Novoarkhangelsk donnent trois représentations par jour pour les croisiéristes. En dansant Kalinka ou la Ronde de l’Oural, ces entreprenantes Américaines gagnent aujourd’hui nettement plus que leurs maris incrédules. Lorsque la saison des croisières se termine en Alaska, elles continuent à initier les croisiéristes à la culture russe, mais sous le soleil de la Caraïbe.

 

Les documents de bases de cet article sont les suivants :

 

https://www.courrierinternational.com/article/2004/11/18/rousskaia-alaska

 

https://www.grands-espaces.com/decouvertes/le-mythique-passage-du-nord-ouest-10-siecles-de-tentatives-et-de-convoitises-partie-1/

 

https://desk-russie.eu/2024/01/27/la-russie-et-l-alaska.html

 

https://www.lhistoire.fr/un-pied-en-amérique

 

Cliquer ici pour télécharger l'article :

 

Quand-la-Russie-colonisait-l.pdf

 

 



[1] Les Iakoutes (ou Yakoutes), qui se nomment eux-mêmes Sakha, sont un peuple turcique sibérien de la fédération de Russie, majoritaire dans la république de Sakha (Iakoutie), l’une des zones habitées les plus froides du globe, au nord-est de la Sibérie.


08/10/2024
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L’affaire Soleilland et la peine de mort.

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Armand Fallières est élu président de la République en 1906. Cet homme avenant et rassurant, imprégné des idéaux de la gauche républicaine, est un farouche partisan de l’abolition de la peine capitale. Il gracie systématiquement les condamnés à mort, tandis qu'un projet abolitionniste est déposé en novembre à la Chambre des députés. La route vers l’abolition semble ouverte quand survient le crime d'Albert Soleilland. Le 31 janvier 1907, ce petit bourgeois déclassé, vivant de menus larcins et errant d'un meublé à l'autre, viole et assassine la fillette de ses voisins et amis, Marthe Erbelding, onze ans. La culpabilité de Soleilland ne fait pas de doute : il est condamné à mort. Mais le caractère atroce du meurtre provoque un déchaînement des passions, surtout lorsque le coupable est gracié. La presse se déchaîne en mettant en scène une opinion antiabolitionniste, qui fausse le débat sur la peine de mort.

 

Une enquête rondement menée. 

 

Tard dans la soirée du jeudi 31 janvier 1907, les époux Erbelding, demeurant rue Saint-Maur dans le 11e arrondissement de Paris, viennent signaler au commissariat du quartier de Saint Ambroise, la disparition de leur fille Marthe, âgée de onze ans. Celle-ci, emmenée à un spectacle dans l’après-midi par l’ami qui les accompagne au commissariat, un nommé Albert Soleilland, a disparu. Inquiet, Soleilland a prévenu la famille et après de vaines recherches, on s’est décidé à avertir la police.

Le lendemain matin, des inspecteurs de la sûreté procèdent aux premières investigations et recherches. Albert Soleilland est rapidement soupçonné, bien que les Erbelding lui affirment toute leur confiance. Les déclarations de l'homme comportent en effet de nombreuses invraisemblances. Ainsi, aucun employé de la salle ne se souvient d'Albert et Marthe et, alors que Soleilland déclare que l'artiste du café-concert chantait des chansons grivoises, il apparaît que, ce jour-là, cette chanteuse, malade, était absente. Le passé de Soleilland ne plaide pas non plus en sa faveur : auparavant, en 1902, il a été condamné pour abus de confiance, a par la suite fait prostituer sa femme, et tenté de violer sa belle-sœur en 1906 en la menaçant d'un poignard. Longuement interrogé sur les circonstances de la disparition sur lesquelles il ne cesse de se contredire, Albert Soleilland finit par avouer, le vendredi 8 février, avoir étranglé la fillette – un « acte de folie » – et transporté son corps, enveloppé comme un ballot de tissu, à la consigne « banlieues » de la gare de l’Est, où la police le retrouve. L’autopsie, pratiquée le dimanche 10 février, démontre que la fillette, qui portait certes des traces de strangulation, avait été poignardée et violée.

La comédie jouée pendant plusieurs jours par l'assassin, la manière dont il a trompé la confiance de ses proches qui, l'ont pourtant longtemps défendu, indignent d'autant plus qu'il apparaît que le meurtrier a prémédité son acte.

Alors que les derniers exploits des « bandits de Hazebrouck[1] », dans le Nord et le Pas-de-Calais, et les « prouesses » des apaches[2] parisiens occupent largement la une des journaux, la disparition de la petite Marthe va tenir, à son tour, tenir l'opinion en haleine.

« Jamais peut-être crime n’émut si violemment l’opinion que l’exécrable forfait de Soleilland, attirant son innocente victime dans un piège, la violentant, l’outrageant de toute façon, l’étranglant ensuite et lui traversant enfin le cœur d’un coup de couteau », écrit Le Petit Parisien du 15 février. Cette émotion populaire s’était exprimée de façon spectaculaire lors des obsèques de la petite Marthe au cimetière de Pantin, suivies par une foule estimée entre 50 000 et 100 000 personnes : du jamais vu. Six chars sont nécessaires pour porter les bouquets et couronnes de fleurs offerts par des anonymes.

 

Un procès entouré de passions. 

 

En juillet, le procès ramène l'affaire à la une du Petit Parisien. Il est annoncé par un titre illustré de quatre portraits en médaillon, séparés par un dessin de couteau : « Le procès Soleilland. La malédiction des mères pèse déjà sur le misérable. [...] C'est aujourd'hui, comme on sait, que l'odieux assassin de la petite Marthe va rendre compte de son horrible crime aux jurés de la Seine ».

Les jours suivants, le quotidien achève de dépeindre dans ses colonnes le portrait d'un monstre sans remords : « Première audience d'un procès sensationnel. Soleilland devant les jurés : souriant, pommadé, moustache roulée au petit fer ; tel apparaît le monstre à ceux qui vont le juger ». 

Sans surprise, le 23 juillet, la cour d’assises de la Seine le condamne à la peine capitale aux applaudissements de la propre épouse de l’accusé et d’une foule déchaînée qui crie « À mort : c’est le verdict des jurés, c’est le cri de sa femme. Pas de pitié pour Soleilland ! »

 

Souhaitons que Fallières

Ne trompe pas la voix

De familles entières

Réclamant à la fois

Pour venger cette enfant

Le sang de Soleilland.

 

Exprimé naïvement en vers de mirliton, cet espoir fut déçu. Fidèle à ses convictions, le président Fallières gracia Soleilland, le 13 septembre. Tandis qu’il était transféré discrètement à l’île de Ré pour rejoindre le bagne, une campagne d’une ampleur inusitée se déroula en faveur de la peine de mort qu’il était alors fortement question d’abolir.

 

Une campagne antiabolitionniste sans précédent.

 

La grâce présidentielle, annoncée le 13 septembre 1907, voit le journal changer de registre. A l'annonce réprobatrice : « L'assassin de Marthe échappe à l'échafaud. On en conclura que la peine de mort est désormais supprimée en France »,succède la description de l'émotion que cette décision soulève. « Contre la grâce de Soleilland. L'indignation populaire suscitée par l'assassinat de la petite Marthe a servi de prétexte hier à de bruyantes démonstrations dans la rue » (16 septembre). Dans ce climat, et alors qu'on s'apprête bientôt à présenter à la Chambre le projet de loi de suppression de la peine capitale, le journal s'engage de façon spectaculaire, originale et décisive contre l'abolition.

Dans cette effervescence, le Petit Parisien prit ses concurrents de vitesse, en annonçant, le 20 septembre, une vaste consultation assortie d’un concours : « La question de la peine de mort : grand référendum du Petit Parisien. » Prévue pour durer jusqu’au 25 octobre, son succès fut tel, que l’opération fut prolongée. Les résultats en furent proclamés le 5 novembre : « Êtes-vous partisan de la peine de mort ? Oui : 1 083 655 ; Non : 328 692. » Le journal qui n’avait pas caché ses intentions – « C’est sous la pression de l’opinion publique qu’un grand nombre de réformes bienfaisantes sont chaque jour accomplies » – put s’estimer satisfait.

Il venait d'acquérir une légitimité inattendue et le succès de sa campagne a largement influencé une représentation nationale incapable de réagir contre ce qu'on lui présente comme la vox populi : « Notre référendum - est-il besoin de le dire ? - n'a aucun caractère politique, mais nous serions néanmoins très heureux que nos législateurs [...] en fissent leur profit quand ses résultats seront connus et que le gouvernement tînt compte des indications précises qu'il fournira ».

L’émotion provoquée par le meurtre et le viol d’une fillette a pesé d’un poids inattendu sur l’histoire pénale et judiciaire française et repoussé pour trois quarts de siècle une abolition qui semblait quasi assurée en 1906. Mais les députés qui, deux ans plus tôt avaient voté la suppression des crédits au bourreau Anatole Deibler, ont changé de camp. L'affaire Albert Soleilland se retrouve au cœur de débats particulièrement virulents. « Pour ma part, je demande que l’on continue à nous débarrasser de ces dégradés, de ces dégénérés, dans les conditions légales d’aujourd’hui. Quand nous sommes en présence du criminel, nous trouvons un homme en déchéance, un homme tombé en dehors de l'humanité », vitupère Maurice Barrès, le leader du camp nationaliste.

« Je ne crois pas que les partisans les plus résolus de la peine de mort viennent prétendre que l'exécution de Soleilland aurait été de nature à empêcher dans l'avenir des crimes pareils à celui qu'il avait commis », répond le député Joseph Reinach. « Ceux qui assistent à l'exécution sont à leur tour des meurtriers et des complices du meurtre », poursuit le député Albert Willm, sans convaincre. Le projet d'Aristide Briand échoue. 

Ce vote marqua un tournant répressif inauguré par le président de la République naguère abolitionniste. En un mois (10 janvier-10 février 1909), il n’y eut pas moins de sept exécutions capitales. Alors qu’il avait gracié 133 condamnés et qu’aucune exécution n’avait eu lieu les trois premières années de son mandat, Fallières céda au mouvement général. Le 10 janvier 1909, à Béthune, quatre membres de la bande Pollet, ces « bandits d’Hazebrouck » qui avaient alimenté la rubrique criminelle en même temps que le crime de Soleilland, inaugurant à leurs dépens l’échec des humanitaristes, furent exécutés. Le 22 septembre, à Valence, ce sera le tour de trois des « chauffeurs de la Drôme », une autre de ces bandes qui avaient terrorisé les campagnes. Deibler et ses aides étaient acclamés à chacun de leur retour à la capitale : on fêtait la « guillotine retrouvée ». Il faudra attendre 1981 pour que la page se tourne. La France est le dernier pays d'Europe occidentale à avoir abrogé la peine de mort.

 

Que reste-t-il de l’affaire Soleilland. 

 

Présenté comme le type même du récidiviste, irrécupérable, marginal, amoral, Soleilland tient un rôle central dans ce moment. Son personnage tel qu’il fut construit par la presse, les circonstances « odieuses » et « révoltantes » de son crime, son absence de remords, se prêtaient admirablement bien à toutes les variations sur le développement de l’insécurité, la croissance continuelle et menaçante de la criminalité due à une décadence générale des valeurs morales. Cet « être cruel », qui « n’a d’humain que le nom », ce « monstre » constituait le type idéal pour lutter contre l’abolition d’une peine seule capable de débarrasser la terre de tels individus et de la dangerosité qu’ils incarnent. La grâce d’un être « égoïste », « insensible », qui joue en prison à « la manille et au piquet voleur » avec ses codétenus, permit une construction et une mise en scène de l’opinion aux conséquences essentielles. 

L'affaire témoigne d'une sensibilité neuve à l'égard des enfants, quelques voix dénoncent la médiatisation d'un fait divers sordide, son instrumentalisation politique, les arguments à l'emporte-pièce et le voyeurisme d'une partie de la presse. Le meurtre d'un enfant apparaît monstrueux, il échappe bien souvent à l'analyse, car il demeure une subversion de l'ordre social et symbolique par l'horreur et donne la possibilité d'en jouer sur le théâtre émotionnel des sociétés contemporaines. 

Dans un débat qui dépasse rapidement la peine de mort pour déborder sur l’affaiblissement de la morale et du respect de la norme, sur la responsabilité de la République, de son « école sans Dieu », de sa presse à scandale, de son laxisme répressif, on découvre l’archéologie d’un discours très contemporain et de peurs bien actuelles. Toute une rhétorique sécuritaire apparaît qui nous est devenue familière. Partant de l’exploitation de la statistique policière pour dénoncer la carence des instances officielles – une police sans moyens, une justice contaminée par un humanitarisme déplacé, une répression « énervée » par les lois qui protègent les assassins –, elle aboutit aux responsabilités politiques d’une gauche jugée naïvement humanitariste, incapable de répondre aux demandes de l’opinion publique par des solutions de bon sens : alourdir et aggraver les pénalités, multiplier prisons et policiers.

 

Sources utilisées :

 

- Sur Cairn Info : https://shs.cairn.info/revue-parlements-2022-2-page-145?lang=fr

 

- Sur persée.fr : https://www.persee.fr/doc/rhbg_0242-6838_2013_num_19_1_1163

 

- Sur le magazine Histoire : https://www.lhistoire.fr/1907-la-france-a-peur-laffaire-soleilland

 

- Jean-Marc Berlière, Le crime de Soleilland, 1907 : les journalistes et l'assassin, Paris, Tallandier, 2003,

 

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soleil.pdf

 

 

 

 



[1] La bande Pollet était un groupe de grands criminels qui sévit principalement dans les départements français du Nord et du Pas-de-Calais ainsi qu’en Belgique de 1898 à 1906

[2] Les apaches sont des bandes criminelles du Paris de la Belle Époque. Ce terme, qui apparaît vers 1900, résulte d'une construction médiatique basée sur un ensemble de faits divers.


20/09/2024
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Les Chansonniers stéphanois : frivoles et révolutionnaires.

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Dans la seconde moitié du XIXème siècle, éclot la vogue des chansonniers. Il ne s’agit pas de chansonniers d’aujourd’hui tels qu’on peut les voir se produire au théâtre des Deux Anes. Non, les chansonniers de cette époque chantent. Ils donnent de la voix  dans les goguettes qu’on se gardera bien de  confondre avec les guinguettes qui plus tard, accueilleront les bals musette.  La goguette est un café dans lequel on se réunit entre copains pour festoyer et chanter ensemble. Bien vite, dans le Saint-Etienne industriel du second empire, les goguettes vont fleurir et les chansonniers stéphanois n’ont rien à envier à leurs homologues parisiens. Les chansons grivoises y fleurissent. L’ouvrier passementier Berthet se rend célèbre en interprétant « Le bichoun de la Rosine», dont je vous laisse apprécier le premier couplet. 

 

Un jour que je me promenais

Dans un pré le long de Momey,

Une ourdisseuse y errait,

Tenant son bichon au soleil.

Ce bichon de terre fine

Qui était entouré de sapins,

Etait grand comme une marmite

Ce qui ne montre pas famine...

Il y avait du blanc, il y avait du noir,

Vraiment j'aurai donné mon avoir

Pour le bichon de la Rosine (bis)

 

Bien entendu, la police surveille étroitement ces lieux de subversion républicaine. La goguette Joly faisait partie des plus appréciées et des plus surveillées. Un piano y trônait, dans un décor coquet. Et chaque chansonnier ménageait ses effets, calculait des silences entre deux crescendo. C'était tellement mieux qu'un chant à cappella. Jusqu'au moment où le commissaire central vit rouge - c'est le cas de le dire - puisqu'on y chantait des chants républicains, et il fit fermer l'accueillante maison. Avec la chute de l’empire, les luttes se déplacent sur le terrain social. Saint-Etienne devient un haut lieu de l’anarchisme.  Les luttes ouvrières nourrissent la verve des « goguettiers ». Parmi eux, Rémy Doutre, limeur à la manu, compose une chanson à la mémoire des fusillés du « brulé » à la Ricamarie :

 

On a tué l'enfant dans les bras de sa mère, 

Égorgé lâchement la femme à genoux, 

Un paisible vieillard qui défrichait sa terre

On parlera longtemps soldats de ce "fait d'arme"

 

Soldats, quand vous frappez l'ennemi de la France

Dans un loyal combat, vous êtes des héros ;

Mais quand vous massacrez vos frères sans défense,

Vous n'êtes plus soldats, vous êtes des bourreaux.

 

Bien d’autres ont composé poèmes et chansons. Ils sont regroupés en 1883 au sein du « Caveau stéphanois », placé sous la présidence de Victor Hugo et Gustave Nadaud. Au sein de tous ces personnages, Jean-François Gonon occupe une place particulière, puisqu’on lui doit une « Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne depuis son origine jusqu'à notre époque », parue en 1906. En constante relation avec les anarchistes, il écrit un poème dédié à Louise Michel : « La Vierge des opprimés », ce qui lui vaut d’être exclu du « Caveau ». En 1900, il fonde « La chorale plébéienne », dont firent partie Louise Michel, Jean-Baptiste Clément (auteur « Du temps des cerises ») et Clovis Hugues. Ensuite,  il fonde « Le temple de la chanson », fréquenté par des poètes-ouvriers volontiers libertaires, qui chantent la cause du peuple lors des grèves et des catastrophes minières. Bien sûr, les lieux où s’exprimaient tous ces personnages ont parfois disparu ou ont été transformés. Néanmoins, la ville porte encore leur empreinte, puisque nombre de voies portent leur nom :

                  - La rue Clovis Hugues qui relie la place Carnot au boulevard Albert 1er ;

                  - Le cours Gustave Nadaud qui relie la rue Etienne Mimard au Cours Fauriel ;

                  - La rue Rémy Doutre qui unit la Grand’rue au boulevard Daguerre ;

                  - La place Jean-Francois Gonon, dans le quartier de Tarentaize. 

On peut ajouter la Place Johannes Merlat (devant l’Eglise Saint-Ennemond), photographe amateur, mais surtout poète et chanteur dont longtemps les Stéphanois chantèrent « A l’étang Momey » et  « Au Panassa ». Pour la petite histoire, Johannes Merlat est né dans la même maison que Francis Garnier, à l’angle de la Place Jean-Jaurès et de la rue Francis Garnier. Parfois, les maisons aussi ont des destins. 

 

Pour en savoir plus : 

Jean-François Gonon : Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne depuis son origine jusqu'à notre époque – 1906 


16/09/2024
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